Aranysárkány fejléc kép
A ce moment-là le temps hennissait c’est-à-dire perroqu’ouvrait ses ailes je parle d’une porte rouge écartée
avec ma maîtresse dans le visage de qui des diamants noirs sont emmurés et qui trimbalait 3 gosses dans sa détresse
assis sous les cheminées d’usine
nous savions demain que les courbes
ho erse ho erse
elle m’a dit tu t’en vas mon Kassi et moi je me dessèche sur les planches et sous les barbouillages de monsieur Nádler
bien sûr
bien sûr
le seigneur dieu oublie les belles
sur ce le sculpteur sur bois demi-christ arrivait
il était jeune et d’une envahissante odeur de vérité
demain nous aurons passé la frontière de Hongrie
mais oui eh ouais
bien sûr bien sûr
la ville roulait contre nous
tournait par-ci par-là par moments se cabrait
je voyais le chapeau de paille tordu de mon père flotiller au-dessus du verre neige de la harmacie jusqu’à la statue de la trinité retour
dans le temps le vieux croyait qu’à 21 ans je deviendrais vicaire du doyenné d’Erchékouilvar
mais juste dix ans plus tôt j’avalais la fumée dans la forge de maître Spornik
le vieux rentrait déjà rarement parmi nous
plus tard il épongeait et pissait avec la bière mon avenir si bien tourné
il s’est amouraché d’une femme de charge
l a perdu ses cheveux il n’a plus eu que des amis tziganes
25 avril 1909
je voulais aller à pied à Paris avec le sculpteur sur bois
la petite ville croupissait dans la flache en jouant de l’harmonica
je te retire tes matricules ô saint Christophe tu ne seras jamais le fils de ton père
un homme saoul versait des larmes de crocodile je me suis accoté au mur de l’hôtel du Lion d’or
je pensais tout est fini
une paire de rails rouges me tranchait dans les tours on sonnait le glas
les pigeons cumulaient au-dessus des toits mieux
galopaient sur le chariot du soleil
la nouvelle cloche des franciscains chantait presque
ceux qui se préparent à dormir qu’ils vernissent des barres de plomb
hantent les heures sur bergers blancs
je pensais tout est fini
les blitroquets et les merciers fermaient leurs portes
retourne donc à tes marmots mon petit ami
les roues ne tournaient plus à l’envers
on jette sa coquille et on regarde dans le néant où la vie se mord la queue
dans le néant
ô turlisette
ô lubli
ô boum BOUM
tandis que le bateau nous cahotait comme femme enceinte dans notre dos quelqu’un refermait les coulisses
de ma vie c’était le premier jour en contre-taille
des torches brûlaient en moi et des sans-fond
papagallum
ô foumigôt
papagallum
sur les berges des oiseaux de cuivre rouge en groupes de vingt claironnaient
aux arbres des pendus se balançaient et claironnaient aussi
de temps à autre seulement du fond de l’eau des cadavres renfrognés regardaient vers nous
mais nous avions 20 ans
de vilains poils roses bouclaient sur le menton du sculpteur sur bois
à part ça nous vivions bien
mais la diagonale de nos estomacs
c’est pour rien que nous avons serré les vis les bœufs encore et encore partaient à travers chaumes
parfois nous pouvions à peine gratter nos yeux des chevilles des filles
chaque fois alors des cymbales cinglaient de moi
à Vienne nous avons dormi 3 jours dans la rue
ensuite nous nous sommes dévissés définitivement de nous-mêmes
qu’est-ce que c’est encore la civilisation
on se met de l’émail et on commence à exécrer les poux
qu’est-ce que c’est encore les liens familiaux
on allonge son nombril avec n’importe quel ruban de soie
qu’est-ce que c’est encore un service religieux
on commence par avoir peur pour ne pas en avoir
nous avons cloué les routes à nos talons nous autres et le soleil nous suivait dans l’espace de ses jambes kilomètre-or
croyez-le bien l’éléphant n’est pas plus grand qu’une puce
le rouge n’est pas plus rouge que le blanc
même si nous allions de l’avant
débarralogos de toute façon si nous dressons la balance c’est nous qui tirons court
en ce moment nos yeux s’ouvraient
et nous sommes devenus profonds comme des fosses noires dans une région de mines et
nous avancions nous avancions
13 anges marchaient devant nous
à pied aussi
ils nous chantaient notre jeunesse
nous étions déjà typiquement vagabonds avec des puces bien élevées aux aisselles
nous aimions les fruits tombés dans les fossés
le lait tourné
et les caisses des communautés juives
de tous côtés des compagnons venaient vers nous
figures merveilleusement peau-de-brique toutes les langues de la terre
chacun avait son odeur spéciale
quelques-uns menuisés par les kilomètres d’autres le lait des tettes de leurs mères encore à la bouche
les routes reposaient sous nos pieds en édredons blancs
les fils du télégraphe tressaillaient décrivaient des cabales sur le ciel
le soir nous voyions les fleurs s’ouvrir entre les cuisses des femmes
mais nous étions herbivores et misogynes
nous nous sommes enfilés par Passau
Aachen
Antwerpen
le sculpteur sur bois se décharnait comme une écharde et sa barbe avait complètement roussi
moi des forêts de poèmes et d’adjurants me poussaient dans la tête
devant nous des rats traversaient deux fois les fleuves de lumière
sur de grands radeaux à motifs d’œufs d’oiseaux et de boutons de culotte
les lettres de ma maîtresse m’attendaient aux boîtes postales
mais je savais que les nuits sont particulièrement poueuses
alors donc je travaillais sur les poèmes qui me sortaient de la tête comme des moutons
ce sont incontestablement les bêtes les plus gauches
mais si quelqu’un cache son ardoise derrière l’oreille
les volets effarés dégringolent
c’est notre vie
à toutes les gares les douaniers estampillent notre cœur
et nous nageons toujours en nous rabattant sur l’aube
ce serait bien plus malin si tout le monde se faisait marchand de réglisse ou de caroubes
rationnez le monde où vous vivez
pour nous c’est facile nous le quittons tous les jours de 50 kilomètres
dans des tunnels sur des crêtes et dans les forêts allemandes silencieuses
nous sentons le fumier frais dans les champs
les montagnes se retournent parfois
et les arbres jouent de la cithare dans le vent
au fond ce sont des filles engrossées
qui parlent bas entre elles :
s’il part je me suicide
hier toute la journée j’ai ourlé des langes avec du fil d’or
je veux la baptiser Angélique j’accrocherai à ses oreilles des cerises en diamant
ou simplement ceci:
les hommes sont tous des chiens boiteux
déjà les montagnes se courbent sur nous
tindis que le serpent géant avale le soleil sans scrupules
pour finir je deviendrais poète
mais il faut bien remonter les crécelles de toute façon le plus grand mal vient de l’étourderie de Mlle Anne
hier j’ai envoyé deux poèmes chez nous à La Hongrie Indépendante
et nous sommes de nouveau tombés à Stuttgart
nous étions assis à la table des mendiants et nous mangions des tourtes à la confiture
et d’une solive un cœur de paysan styrien donnait la lumière
dans la cour de la maison voisine l’ARMÉE DU SALUT faisait la messe
flûtes et clarinettes braillaient sous les étoiles
nous avons vu les hiboux de verre jaune se pencher par-dessus les jeunes mères
agneau de Dieu qui rachètes les péchés du monde
le demi-christ remuait de nouveau dans le sculpteur sur bois et il voulait parler à tout prix
ferme ta bouffeuse de gamelle hurlait le paysan styrien
il nous a fourré son cœur en plein sous le nez
vous voyez il est percé de 7 poignards rouillés
pour moi 7 mensonges de ma maîtresse mes frérots
vous voyez cette auréole verte ici à droite
ça c’est le dernier coup de dents de mon maître mes frérots
j’ai 26 ans ma vie était pure comme la rosée du matin
en hiver je balayais toute la journée devant notre maison en été je moissonnais le gros blé
ohé oh la vie est comme
tout le monde avait les yeux ouverts et nous avons vu la terre derrière la meute retourner sa houppelande
Budapest-Paris-Berlin-Kamtchatka-St-Pétersbourg
le sculpteur sur bois était rond et de ses yeux la tristesse coulait comme d’un égout
la tristesse coulait comme d’un égout les cris de plus en plus se dirigeaient vers les coins pour pouvoir souffler leurs mèches
jurez que dès maintenant vous ne croirez plus que dans le pouvoir magique des cordons de caleçons propres
je m’étais mis à parler contre toute attente
je voyais ma voix venir par ici de la cour voisine
je suis poète
je sais donc
que les lampes ne brûlent bien que puisque deux fois troulalaire
et aussi parce qu’elles sont pleines de pétrole
je tombais dans une terrible amertume j’aurais bien voulu donner quelque chose à ces pauvres gens
mais les étoiles avaient déjà décampé de leurs guérites
en ce moment les 13 anges dorment sûrement la bouche ouverte sur les échelons du grenier
seigneur
du mur les punaises défilent en armée rouge
que tout le monde se sale le bout du nez
voici que la vie est courte
mais nous serons matous quand même sur les toits parisiens
fais dodo ma foi mon mignon
on s’endort
c’est ainsi que les verticales deviennent horizontales
et le contraire
les bonhommes d’encre sortaient du ciel
venez avec moi traversons le jardin
sur l’autre rive Marie berce son fils
que chacun claque les verrous sur sa raison
sur le plancher dans des flaques jaunes mes souvenirs phosphoresçaient
dans les coins les sacs à dos s’ouvraient et aboyaient comme des enragés
comme Marie son fils
j’ai bercé le jardin dans mon giron
et plus bas
voici les chamès avec leur mark 1/2
les soupirs se vitrifiaient
les fleurs fleurissaient
ah t’es là toi aussi
moi et toi
sur toi
moi
ficelle donc tes genoux sur moi
ma petite dame
lézard d’argent
perroquet
ma vie est une soutache
arbre fruitier
étoile arrachée
aïe aïe aïe
que tout le monde tourne les bouchons de verre
les horloges sont sorties de leurs cages d’étoiles
avec leur nez de liège les éléphants sont tournés vers l’est
le premier son que j’aie entendu c’est le hurlement d’un phonographe depuis la périphérie
le sculpteur sur bois ne pouvait pas se lever ce matin-là
je vais crever pleurait-il je vais crever
la reine des mendiants était au-dessus de sa tête avec un baquet à vaisselle
le coucou à tête d’os sortait et s’inclinait révérencieusement
je vais crever pleurait le sculpteur sur bois je vais crever
tout le monde a vu la mort
traverser deux fois la chambre
mais pourquoi partirais-tu donc mon frère
pourquoi
tu n’as pas encore ramené le troupeau des champs
dans tes cheveux jaunes tu n’as toujours pas allumé les lampes
et même les serpents dorment toujours dans tes yeux
oh ne t’occupe pas de la cafetière vilaine il a mordu le nombril de la bonne
et maintenant tous les deux ils sont couchés en gestation
je vais crever vagissait le sculpteur sur bois je vais crever
en longue cadence les maisons se penchaient vers l’église
un poulain balzan passait même la tête à l’intérieur par la fenêtre
et honnissait
qui achète mon paletot disais-je aussi
5 couronnes qui dit mieux 5 couronnes
et d’un seul coup les chemins dévalaient des montagnes
donc marcher
marcher de nouveau
je n’ai plus vu depuis le pauvre sculpteur sur bois
pourtant nous étions bons amis et au soir sa barbe flambait devant moi comme le buisson ardent
pendant 2 semaines j’errais seul
j’étais triste comme un vieux baudet et à chaque trou d’eau je me lavais la tête
j’aurais voulu déchausser mes souvenirs qui déposaient dans ma tête
et brandissaient des drapeaux noirs
vers les rives je ne sais pas lesquelles
je me sentais comme un fleuve torrentueux j’avais des rives
avec palmiers décrépis et grenouilles vertes
puisqu’à ce moment-là j’étais déjà poète inopérable
je correspondais régulièrement avec ma maîtresse
je savais qu’il suffisait de me trancher le poitrail pour que l’or fin dégouline de mon cœur
si seulement ces paysans belges n’étaient pas aussi sales
ces bêtes chauvins ne connaissent toujours rien à la marche du monde
j’ai beau me tenir devant eux
personne ne voit l’étoile à mon front
j’étais comme les 7 orphelins
c’est pourtant là que les courbes se sont rejointes en moi
c’est là que nous nous sommes rencontrés Scythia et moi il venait de Zürich et il se préparait à partir au Chili pour se faire fondateur de religion
moi je croyais sérieusement qu’il pouvait devenir quelqu’un
c’est très singulièrement que ses oreilles étaient encroûtées
nous étions couchés sur les quais d’Antwerpen et lui il tenait un discours aux balles de coton et aux tonneaux de poisson
citoyens chantait-il citoyens
les lapins domestiques sont les poules les plus prolifiques et les moulins passent en fraude des dents de rats dans le blé
n’empêche qu’ils moulent et ce n’est pas pour rien
de quoi avez-vous peur malheureux
déjà mes verbes flambaient en fleurs dans la
campagne qu’ils crèvent ceux qui acceptent la fatalité des points morts
au matin nous partons pour l’auberge de dieu
dans ma pauvre raison s’ouvraient les lys
mais oui au matin nous partons pour l’auberge de dieu
nous allons boire les Larmes du Christ dans une grange à toit de chaume et de la quetsche
mais dans la vie d’un homme il tombe au moins un crocodile
et lui qui venait de la herberge de Zürich et se préparait à partir au Chili pour se faire fondateur de religion
cette nuit-là il attrapait une chaude-pisse au bordel de matelots de la rue Rivoli
les donjons de cartes s’effondraient sans bruit
des barrières poussaient autour de nous comme ça se voit dans les zoos
coup sur coup 21 fois encore je crie vers le ciel:
latabagome
ô talatte
latabagome et sinesi
les disques tournaient quand même sans interruption
il faudrait scier les mains noires des compagnons
les menuisiers font sauter les nœuds de leur trou
les serruriers ne savent pas placer une gâchette
c’est justement pour ça que notre cage va s’écrouler
vous voyez Isabelle aussi a perdu un de ses gants
mais qui s’occuperait de nous infortunés triclopes
en cliquetant au-dessus des maisons les oiseaux s’envolaient vers d’autres contrées
Scythia avait oublié la clé de sa nouvelle religion au vestiaire
le premier jour il pleurait après comme un gosse
ensuite il a vaseliné ses oreilles et nous sommes partis vers Bruxelles
comme des cambriolés
nous renoncions à tout et nous savions que le temps seul nous comprend
lui seul ne nous éjectera jamais
le soir déjà nous étions assis aux longues tables de la maison du peuple
et fumions du bon tabac belge
nous avons vu Vandervelde traverser la salle vers le secrétariat socialiste
d’autres chefs célèbres jouaient devant la caisse avec des cartes françaises toutes neuves
dans un immense réservoir la ratatouille humaine du monde entier était réunie ici
Russes aux yeux bleus fiancés à la révolution Hollandais
qui sentaient l’huile
Prussiens
montagnards maigres
Hongrois à moustaches flétries
parents pathétiques de Garibaldi
et tous ceux qui avaient été battus ou qui à la maison
n’avaient pas assez de pain étaient là sur l’épaule de certains veillaient les gratte-ciel de New York
aux yeux des autres la haine s’accoudait rouge
regardez les plus grandes impulsions du monde quitter la gare
des tempêtes grondent
les fils téléphoniques vagissent du cœur de Moscou
mettez-vous au piano petite camarade
les garçons courent à travers nous avec la soupe noire
les prolétaires se rassemblent devant les cinémas
un militant distribue les tickets par dizaines
sur les murs à dents fendues les chiens montent en courant et chantent comme des vieilles
quelqu’un disait à bas les oligarchies
et tout d’un coup:
Rome
Paris
Tiflis
Stockholm
Samarkande
et les mines de la Ruhr
entendez-vous les clochettes de Munich
à Firence les pigeons dorment sur les épaules des apôtres
tout le monde savait déjà que l’heure de dieu était proche
la peau d’un fanatique est plus sensible qu’un sismographe
et nous nous grattions tous
mettez-vous au piano petite camarade
ah si je pouvais brancher ici les yeux-diamants de ma maîtresse
les salamandres venaient de naviguer autour de la lampe du milieu
Scythia dormait déjà dans des flaques rouges
et maintenant il était beau comme un jeune bouledogue
de tout ce qu’on pourrait s’enrichir en une heure
si on était intelligent comme un appareil photographique
mais on est toujours enfermé et sous la peau les mondes passent sans qu’on les voie
à minuit nous sommes allés à la réunion russe au petit passage
c’était un tovaritch blond encore gosse qui parlait
des flammes fleurissaient de sa bouche et ses mains volaient comme des colombes rouges
eh oui nous sommes parents avec les possédés de Dostoïevsky
nous avons croqué en nous la septième tête du sentimentalisme
et nous voulons tout détruire
ô toi Russie terre maudite
qui verrait que tu souffres sans soutien si tes fils marqués par une étoile ne le voyaient
l’Europe crache en nous sur l’Asiatique
et il n’y a que nous tout de même qui allons vers le sommet
aucun doute que la jeune boulangère d’Astrakhan ou la putain de Saint-Pétersbourg
mettront un jour au monde l’homme nouveau
ô Russie enceinte du printemps rouge de la révolution
mais les fleurs dans les plaines russes ne peuvent toujours pas éclore
mais Russie comme une terre en jachère
aidez-nous donc
frères
comme nous fils infortunés de l’Europe
aidez-nous aidez-nous
et nous voyions sous sa vieille casquette sa tête s’enflammer
nous étions tous assis dans ses mains
vive la Russie hourrah jiviô hourrah
et à ce moment c’était comme si une bosse tombait de mon dos
sur les vitres les fleurs de givre s’ouvraient
et Scythia qui devait devenir mouchard et agent provocateur par la suite
a baisé le manteau du Russe
je suis pur comme un enfant
disait-il si je n’avais pas la chaude-pisse j’irais à Tsarskoïe Sélo pour tuer le tsar
cette nuit-là nous n’avons pas bu d’eau-de-vie
nous nous sommes lavé les pieds et nous n’avons pas pensé à l’amour
un typographe hongrois qui depuis a pris 12 ans pour rébellion disait la bonne aventure avec les cartes de la servante
et nous chantions d’une voix basse qui portait loin
enfin voici enfin
le temps et nous sommes comblés comme des arbres inséminés
nous croyions que les drapeaux or de mars gloussaient au-dessus de nous
les cygnes étaient assis en haut sur des balançoires et riaient en deux tons
place Edouard je voulais m’immoler sur la table des pauvres
mais à l’aube les gendarmes belges venaient nous chercher c’était à peine le point du jour
il n’y avait pas encore d’étrangers à Bædeker devant la statue pissante
mais les rues sales voulaient se faire croire qu’elles étaient à Paris
les spirales or de l’hôtel de ville nous souriaient
et nous allions menottes aux poings sous le bleu à verse
par des escaliers raides
devant les braseros à ferrures des marchands de frites
dans les lavures des bistrots
dans les puanteurs matinales des poissonneries
pauvres vagabonds que l’ordre attroupe et maintenant dieu agonise en eux
rue Mouffetard nous rencontrions des putains
j’étais heureux
content d’elles si belles dans l’aube
leur chignon de travers dans le vent chaulé de travers
derrière des voiles prismiques le soleil guignait sur elles du mur coupe-feu
toute la nuit nous veillions comme des saintes
et maintenant je bavais après leur cigarette
si je pouvais me gratter le dos geignait Scythia
qui peu avant se préparait encore à devenir messie au Chili
quelqu’un faisait flotter un couvre-lit à un balcon
nous pensions au même russe blond qui vivait de flammes
comme Marinetti dieu futuriste
et aimait mieux la Russie qu’un fils sa mère
et maintenant il est conduit à la frontière belge et un matin on va le pendre devant le Kremlin
aidez-nous donc
frères
comme nous fils infortunés de l’Europe
aidez-nous aidez-nous
moi je ne suis qu’un poète ballot ce n’est que ma voix qui a du tranchant
voix qui a du tranchant qu’ost-ce que ça peut faire si quelqu’un transperce la sorcière de tumarom avec une épée en papier
nous avons tiré 12 jours au dépôt souris-sent
nous étions 105 dans une seule salle
jour et nuit
nuit et jour
la nuit nous pensions aux routes et nous écrasions des punaises
le matin nous recevions de l’eau chaude à midi de la bouillie froide et toute la journée nous devions dire à haute voix après le gardien barbu assis sur un podium comme une idole des prières belges incompréhensibles
ensuite dans des wagons vert-foncé ils nous ont amenés à la frontière française
j’ai trouvé 9 sortes d’œufs dans les nids d’oiseaux
seigneur dieu
voilà Paris
dont j’ai entendu des miracles chantants
et que je ne connais pas encore
je savais que les Français ont un coq rouge à leur blason
je savais que la terre française est bénie d’art et de filles
les paysans de chez Zola flottaient dans l’aube sur des guitares d’argent
sur lit d’herbe la Seine étendait ses cadavres bleus
Scythia parlait de Dounayetz l’instituteur hongrois
actuellement violoniste virtuose au Chat Noir
il a neuf maîtresses des Françaises bien nerveuses qui étaient chevaux de bataille pendant la guerre franco-allemande
j’ai regardé mes notes : jusqu’ici j’ai vu 3004 têtes de Christ
j’ai trouvé 9 sortes d’œufs dans les nids d’oiseaux
à Lüttich j’ai fait main-basse sur deux vaches
donc
j’étais à 300 kilomètres de Paris
au-dessus de nos têtes les perroquets allaient sur béquilles
ô Paris
PARIS
André Ady t’a vue toute nue et sur tes ruines ensanglantées
Guillaume Apollinaire le poète simultanéiste a vu le jour
et nous sentions nettement que nous avions une odeur de pèlerins
et nous marchions 60 à 70 kilomètres par jour
et nous marchions vers l’ombre de la tour de fer
achetez nos ampoules disions-nous aux gens
achetez nos ampoules bien entretenues
si vous les percez avec une aiguille fine vous ne sentez même pas la brûlure
le Français ressemble quand même beaucoup au Belge
c’est en Bavière qu’on trouve les dadais les plus humains
c’est peut-être à cause de la bonne bière qu’ils sont comme ça
mais il se peut qu’en eux la philosophie chrétienne soit assise sur de la gomme
nous avions toujours au cou nos poches lacrymales gonflées
comme de lourdes bélières salées
pendant plusieurs jours nous n’avons pas trouvé asile
oh mais pourquoi notre mère nous a-t-elle mis au monde si elle ne pouvait nous pondre en même temps une maison sur le dos
un geôlier par ailleurs cordonnier nous a fourrés
12 heures sous la paille
des tuyaux jaunes avec lances tenailles et véritables piques russes les poux nous marchaient dessus et véritables piques russes les poux nous marchaient dessus
mais pourtant ça n’y faisait rien
nous dormions au son de la flûte sur des balançoires de lune lointaines
quelqu’un chantait sans arrêt au-dessus de nous
VOUS VOUS ETES MES DEUX INDEX
et le matin nous buvions du café noir dans les jupes de la femme du cordonnier
elle disait que j’avais de très beaux cheveux
et que de plus près je ressemblais à un jeune homme appelé Igor
qui 20 ans plus tôt s’était jeté en Seine pour elle
le café diarrhait pieusement dans nos estomacs et j’ai promis
et j’ai promis de lui envoyer de Paris une carte
avec deux mains enlacées et un pigeon
PARIS ô PARIS que de beaux hommes se sont tués là-bas
et qui sait pourquoi
et jamais plus sa voix ne s’est rompue de moi
gémissant dans le sifflet des douaniers
riant dans les cors électriques de Paris
ris donc espèce d’âne
ne vois-tu pas que tu es assis sur le nid d’or de la vie
c’est Paris qui nous berce maintenant disait Scythia en oubliant tout à fait sa chaude-pisse
ici une fois j’ai trait du sang d’ange des étoiles
à côté de quoi le lait de ma mère n’était que de l’eau gazeuse
attache donc tes ailes
demain nous allons chez GRISETTE
demain nous allons manger des huîtres au Boulevard des Italiens et nous allons voir les oiseaux électriques
demain nous traverserons les Tuileries
et le bar Etoile
hé oui
oui
j’étais fort triste et je sentais à mes pieds malades comment poussent les ongles
aïe aïe
aïe
les miracles m’atteignent toujours barbus et décrépis
2 × 2 = 4
partout s’ouvrent des églantiers
mais les dents des chevaux modernes sont en fer
et celui qui part le matin n’est pas sûr de rentrer le soir
le plus heureux c’est celui qui a la peau réversible
car qui pourrait voir au-delà de soi-même
ce que nous dressons est dressé
mais ce que nous dressons ne veut rien dire
les fleuves sont prêts à se casser en morceaux pour aller plus vite
un Monsieur ne peut pas marcher à deux pattes comme les moineaux
nous savons que la femme abandonne sa moitié
les singes ont regardé leur derrière dans le miroir de Monsieur Goldmann et sont tout à fait heureux
si je savais jouer aux échecs
mais moi au fond je ne sais rien
aux étalages les cuisses de cochons découpés sont assises sur des manèges
moi j’ai vu Paris et je n’ai rien vu
ma maîtresse m’attendait enceinte à la gare du Faubourg Angelville
ma mère avait la tête citron de pauvreté
je voulais leur rire mais j’avais honte d’avoir sur moi deux pantalons sans caleçon
il est certain que le poète ou bien construit quelque chose pour lui-même où il trouve sa joie
ou bien s’en va bravement ramasseur de bouts de cigares
ou bien
ou bien
les oiseaux ont avalé le son
mais les arbres continuent à chanter
ça c’est déjà un signe de vieillesse
mais ça ne veut rien dire
je suis LAJOS KASSÁK
et s’envole sur nos têtes le samovar nickel